De nouvelles législations pour inciter les entreprises à produire durablement ?

Dans un contexte où la durabilité des entreprises s’apparente parfois à du « blanchiment écologique » (« green washing »), l’élaboration de normes et de standards communs à tous les acteurs économiques est une nécessité.

Lorsque les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous, les belles volontés, convaincues de leur rôle certain dans la lutte contre le réchauffement climatique, risquent fortement de se confronter à une forme de concurrence déloyale.

Au niveau européen, l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) propose d’instaurer une politique unique et commune à toutes les entreprises, afin notamment d’atteindre les objectifs de limitation du réchauffement climatique.

Initialement consacrée à l’homogénéisation de la communication financière des entreprises, l’EFRAG s’est emparée du sujet de la communication sur la durabilité (« sustainability ») des entreprises et de nos écosystèmes. « Un reporting de haute qualité et fiable porté par les entreprises contribuera à créer une culture de plus grande responsabilité publique » (Commission Européenne).

Mais son projet ne fait pas l’unanimité…

Quelle situation actuelle ?

A l’échelle mondiale, il existe près de 1500 normes ou labels différents concernant la transparence à avoir quant aux manières de produire des entreprises, mais aucune n’est fixée dans un cadre juridique homogène. Par conséquent, certaines entreprises profitent des failles de ces législations pour rester floues sur certains de leurs impacts environnementaux et sociaux. Les consommateurs et les investisseurs éprouvent alors des difficultés à savoir si les entreprises dans lesquelles ils placent leur confiance répondent correctement à leurs attentes en matière d’éthique. 

L’objectif du projet

L’objectif du projet lancé par l’EFRAG est de permettre aux entreprises de s’épanouir dans leur domaine, tout en prenant en considération leur impact sur la société et l’environnement dans lequel elles évoluent. Ces nouvelles normes viennent renforcer celles déjà proposées par la directive européenne sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD). Il est donc demandé aux entreprises de rédiger des rapports détaillés et approfondis sur leur manière de produire, et sur leur impact direct et indirect sur la société et l’environnement. L’Union Européenne souhaite ainsi arriver à une transparence financière et extra-financière totale. Elle exigera que les entreprises de 250 salariés, qui réalisent 40 millions de chiffre d’affaires par an ou plus, présentent en profondeur leurs impacts au niveau social, environnemental et en matière de gouvernance. Cette loi est soutenue par l’Union Européenne, mais réfutée par les Américains qui ne souhaitent pas durcir leur législation nationale. 

Quelle position pour les États-Unis ?

La directive proposée par l’Union Européenne ne fait pas l’unanimité et l’Amérique ne défend pas la même volonté. Les représentants américains à l’ISSB (International Sustainability Standard Board) défendent une autre option et souhaitent que les législations concernant la communication des entreprises sur leurs manières de produire ne soit pas si stricte. Ils estiment que la communication en matière de durabilité est suffisamment exigeante et oblige déjà les entreprises à prouver leur transparence au niveau social et environnemental.

Bien que précurseur dans le domaine en France, Emmanuel Faber, l’ancien PDG de la société à mission Danone et nouveau président de l’ISSB, se retrouve à devoir gérer des enjeux politiques entre deux visions de la durabilité.

Si Union Européenne et Amérique n’arrivent pas à trouver un terrain d’entente et continuent de développer leur politique propre, quelles normes s’appliqueraient aux entreprises non européennes dont le marché s’étend au monde entier, telles que Google, Coca-cola ou encore Nike, qui alimentent notre marché mais qui créent une nouvelle forme de concurrence déloyale aux entreprises européennes ?

La difficulté des entreprises 100 % durables   

Les entreprises européennes qui souhaitent se développer dans le respect de l’environnement et de la société se retrouvent alors confrontées à des difficultés supplémentaires. Comment faire pour continuer de se développer de manière éthique lorsque ailleurs, la concurrence utilise des manières de produire plus efficaces, mais bien loin de respecter l’environnement et la société ? La majorité des chefs d’entreprises choisissent ainsi d’investir dans du 90 % écologique et responsable. Les 10 % restants seraient maintenus dans le but de rester concurrentiels. C’est à ce problème que souhaite répondre l’EFRAG, mais tant qu’aucun accord commun n’est signé, la situation semble ne pas pouvoir évoluer.

Les législations encadrant la manière de produire des entreprises sont encore en pleine évolution et font beaucoup parler d’elles. D’un côté, l’Union Européenne cherche à durcir les législations pour inciter les entreprises à la transparence quant à leur manière de produire, tandis que de l’autre côté, l’Amérique défend une position moins stricte, laissant le « libre marché » définir le niveau d’exigence des parties prenantes en matières d’informations économiques, environnementales et sociales des entreprises.

Quelle qu’en soit la décision finale, les réflexions concernant l’impact des entreprises sur l’environnement se font de plus en plus entendre, et gagnent en importance. Miser sur un développement plus responsable au niveau social et environnemental est donc une solution qui permettrait d’appréhender l’avenir avec plus de sérénité.