La filière bio en France, qui avait connu une période de croissance soutenue pendant plus de 10 ans, fait actuellement face à des défis significatifs. Elle est confrontée sur l’ensemble de sa chaîne de valeur à la baisse de la demande et aux hausses de ses coûts d’exploitation. Entre manger bio et pouvoir d’achat, le choix est malheureusement souvent contraint. Certains consommateurs font des arbitrages pour pouvoir subvenir à leurs besoins primaires (se loger, se chauffer, se nourrir…). Ils se réorientent vers une production conventionnelle ou vers des réseaux de distribution de « hard-discount ».
La filière bio dans l’attente de soutien
Les discussions entre la filière biologique et le Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire se poursuivent depuis plus d'un an. L’objectif de ces discussions est de trouver des solutions pour surmonter les défis économiques et sociaux qui limitent la croissance et le développement de l’agriculture biologique. Cependant, le soutien attendu de la part des pouvoirs publics tarde à se matérialiser. Cette situation est d'autant plus préoccupante compte tenu du poids économique de la filière bio en France.
Le poids économique de la filière bio en France
La filière bio représente environ 60 000 fermes, soit 10% des surfaces agricoles excluant l'utilisation de pesticides dans leurs exploitations. Elle englobe également 30 000 entreprises et génère près de 200 000 emplois, dont 150 000 sont non délocalisables. En termes de chiffre d'affaires, cette filière atteint près de 13 milliards d'euros en 2022. Dans les paniers de la ménagère, les études montrent que les marques de fabricants Bio sont en forte baisse au profit des marques de distributeurs Bio (ex : Carrefour Bio, Bio Village…) et des marques conventionnelles.
Du côté de l’Allemagne
Tout comme la France, l’Allemagne est également confrontée à des difficultés sur sa filière Bio. Plusieurs chaînes de magasins dédiées au Bio sont parties au tapis. Pour accompagner sa filière Bio, l'Allemagne a mis en place un nouveau plan bio avec l'ambition d'atteindre 30% de surfaces agricoles en bio d'ici 2030. Ce pays alloue également 30% du budget de la recherche, soit 35 millions d'euros, pour soutenir la filière. Si certaines régions ne parviennent pas à convertir autant de surfaces agricoles en bio qu’elles le souhaitent, des fonds seront alloués pour aider les agriculteurs à continuer leurs activités bio malgré les obstacles.
Dans un contexte mondial marqué par les préoccupations écologiques, l'inaction vis-à-vis du développement des filières biologiques apparaît comme une occasion manquée dans la transition vers des pratiques plus durables.
Des mesures concrètes réclamées pour soutenir le secteur
Les acteurs de la filière bio appellent à des actions concrètes de la part de la France. Leurs demandes incluent l'adoption d'une aide d'urgence pour les fermes et les acteurs de la filière en 2023, une réévaluation à moyen terme du soutien financier avec une réaffectation dès 2023 des surplus des paiements agricoles vers des mesures de conversion en bio.
Evolution délicate de la filière bio
Depuis la mi-2021, la filière bio connaît une conjoncture difficile. Les chambres d'agriculture signalent une baisse de la consommation de produits bio, tandis que l'offre augmente en raison des conversions engagées en 2020 et 2021. Cette situation a engendré un déplacement des produits biologiques dans les filières conventionnelles. Après une période de forte croissance, la filière bio enregistre un ralentissement pour la deuxième année consécutive. Selon une enquête de NielsenIQ, les ventes de produits bio ont reculé de 7,4% dans les grandes surfaces en 2022. Les enseignes spécialisées en bio, telles que Biocoop et Naturalia, ont également subi une baisse notable de leurs ventes, chutant de 12%, d'après les données de deux de ces enseignes.
La réponse financière du gouvernement
Face à cette situation, le gouvernement a débloqué des fonds, mais ces ressources se révèlent nettement en deçà des attentes. Une enveloppe de 10 millions d'euros a été allouée, ce qui équivaut à seulement 166 euros par ferme. Dans un contexte économique difficile, atteindre l'objectif fixé par l'État de convertir 18% des surfaces agricoles utiles en bio d'ici 2027 devient un défi de taille. Actuellement, ce taux stagne à 10%.
L’exemple du lait bio
Dans la filière lait, un phénomène préoccupant est observé. Un tiers du lait bio est vendu comme du lait conventionnel, ce qui représente un manque à gagner considérable pour les éleveurs qui s'étaient tournés vers l’agriculture biologique dans l'espoir d'une meilleure rémunération. En 2023, cette situation pourrait s'aggraver, avec un pourcentage estimé de 43% de produits bio vendus comme conventionnels. Cette problématique s'étend bien au-delà de la filière lait, touchant d'autres domaines de la même façon.
Ce qu’il faut retenir
La filière bio en France traverse actuellement des défis significatifs liés à la baisse du pouvoir d'achat des consommateurs. Malgré les enjeux économiques et environnementaux, le soutien gouvernemental ne répond pas pleinement aux attentes des acteurs de la filière. Les mesures de soutien et les réformes envisagées pourraient jouer un rôle crucial dans la préservation et la croissance future de l’agriculture biologique en France et de toute la filière en aval jusqu’au consommateur final.